SÁPMELAŠ
Série photographique, 2009-2010


Les Sámi constituent la première population autochtone du nord de l’Europe. Ils sont à ce jour entre 70 000 et 100 000, répartis sur un vaste territoire s’étendant des côtes nordiques norvégiennes jusqu’à la péninsule de Kola en Russie, en passant par la Finlande boréale et les régions forestières et montagneuses du nord de la Suède. Le Sápmi n’est pas reconnu officiellement par les États européens, et les Sámi, sans y avoir un droit de propriété, y ont tout au plus un droit d’usage. 

Longtemps basé sur une économie de subsistance, l’élevage de rennes s’est progressivement transformé au contact de l’économie occidentale, pour devenir aujourd’hui intégré à l’économie régionale du nord des pays scandinaves. Certaines familles s’évertuent difficilement à poursuivre cette pratique et à la transmettre, car le coût financier qu’elle implique, les faibles revenus qu’elle génère et les difficultés territoriales comme climatiques rencontrées par les éleveurs rendent la tâche de plus en plus périlleuse.




Ellen-Marit Utsi Sara, à Áisaroaivi, petit village sámi au nord d’Alta en Norvège. Le village, composé de quelques cabanes de bois, a été construit en plein coeur des territoires de transhumance des troupeaux de rennes. Le village est peuplé périodiquement par quelques éleveurs qui viennent surveiller leurs troupeaux, mais aussi de femmes comme Ellen-Marit, qui ont vécu toute leur vie sur ce territoire. Bien que les gouvernements suédois, norvégien et finlandais aient signé la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones, les trois parlements sámi ont encore de la difficulté à faire reconnaître un droit de propriété sur les territoires de transhumance de rennes. La mise en place de parlements sámi en Norvège, en Suède et en Finlande, dans les années 1980, a néanmoins constitué un pas considérable dans le combat politique des sámi.




Ellen Utsi, est journaliste à Guovdageaidnu (Kautokeino), une ville sámi  au nord de la Norvège. Quand je l’ai rencontrée, elle écrivait un livre sur les femmes dans l’élevage de rennes. « Je ne travaille pas avec les rennes, mais j’en possède et je vais sur le territoire quand j’en ai l’occasion. J’ai un travail indépendant, mais j’ai aussi choisi un travail en relation avec l’élevage des rennes. Je suis une éleveuse de rennes des temps modernes et je fais mon travail d’éleveuse devant un écran d’ordinateur si on peut dire... ».




Tout au long de l’année, sur les hauteurs du parc national Stora Sjöfallet, en Suède, les éleveurs sámi de la communauté d’éleveurs d’Unna Tjerus suivent les transhumances de leurs troupeaux de rennes. Le monde de l’élevage est majoritairement masculin mais mères, soeurs ou filles d’éleveurs participent activement au travail de l’élevage. Ellen Utsi m’explique l’appartenance des femmes au monde de l’élevage :  « Quand on s’assied tous autour de la table pour manger de la viande de renne, on a tous le sentiment que c’est notre viande, à nous tous. C’est ce que je ressens envers l’élevage de rennes : il est à nous tous, à toute la famille. Mais si  vous demandez aujourd’hui s’il y a égalité des sexes pour démarrer le travail d’élevage de rennes, la réponse est  Non ».





Pour pouvoir subsister grâce à l’élevage de rennes et à la vente de viande, il est nécessaire de posséder au moins 400 rennes. Le manque de terres de pâturage sur le territoire sámi amène une concurence entre les éleveurs qui voient réduites les possibilités d’expansion de leurs troupeaux. Dûe au manque de terre, la voie de l’élevage est un challenge qu’assez peu de sámi décident de relever. Le défi est d’autant plus grand pour les femmes qui se lancent dans l’aventure : « Si on est beaucoup de sœurs et de frères dans une famille, et que tout le monde veut travailler avec les rennes, on se trouve face à un problème. Si toutes mes sœurs travaillaient,  il n’y aurait pas assez de terres pour que les rennes survivent. » explique John-Andrea Utsi, éleveur de rennes à Guovdageaidnu.






Marquage des faons, Vuotso, Finlande.
Souhaitant rester proches des enfants scolarisés en ville, toute une génération de femmes sámi s’est progressivement éloignée du territoire et l’élevage de rennes est devenu une pratique principalement masculine. Pourtant, certaines jeunes filles souhaiteraient devenir éleveuses, mais le chemin est difficile. En Norvège, les lois sur l’élevage des rennes ont été façonnées par le gouvernement sur le modèle des lois agricoles : « Les lois étaient faites pour les hommes, donc c’est aux hommes que les lois ont accordé les droits de concession d’élevage de rennes. Avant, les femmes s’occupaient de l’élevage, quand elles étaient plus jeunes, car elles pouvaient aller plus facilement au troupeau. Aujourd’hui, il faut que les femmes travaillent dans des emplois rémunérés et elles ne peuvent plus se rendre au troupeau de façon quotidienne. » m’explique Ellen Utsi.




Marianne Ketola, a 11 ans lorsque sa mère lui montre comment marquer son premier renne, à Pitsusjärvi, un camp de transhumance au nord de la Finlande. La marque, que l’on tranche sur l’oreille des rennes, est un motif distinct qui identifie le propriétaire de l’animal. Cette marque est apprise par les enfants  dès leur plus jeune âge. Le marquage de rennes dure plusieurs jours et c’est un évènement important qui donne l’occasion aux familles de se réunir ensemble sur le territoire.






Ellen-Maarit Juuso a 12 ans. Elle est au camp familial de Pitsusjärvi pour toute la durée du marquage. Sa mère n’est pas présente et c’est elle qui doit s’occuper de son plus jeune frère. « Je viens ici parce qu’on peut venir en hélicoptère et ça, c’est drôle. Ici, j’ai mes propres rennes, que je peux attraper moi-même. On est libres, il n’y a pas de voitures, ni de magasins comme en ville. Mais par contre, on doit rester éveillés toute la nuit pour marquer les rennes et dormir toute la journée. Je suis vraiment fatiguée et parfois je m’ennuie quand il n’y a rien à faire. Il n’y a pas assez de monde ici. »




Camp de transhumance à Pitsusjärvi, Finlande.



Iŋgá-Máret Gaup-Juuso, est sous la laavu, la tente sámi, durant la période du marquage des rennes à Pitsusjärvi. La fatigue la gagne car ici tout le monde doit suivre le rythme des rennes. Au Nord de la Finlande, le soleil ne se couche plus durant l’été et les frontières qui séparent les journées n’existent plus. Iŋgá-Máret se souvient de l’été précédent : « Lors du marquage des rennes, j’ai emmené pour la première fois ma fille qui avait 6 mois dans le camp familial. Il pleuvait, il faisait si froid et je restais avec elle sous la tente, près du feu. Je me disais que les mères ne font plus ça aujourd’hui. Je savais que c’était bien d’être là. Je suis jeune et avec l’université, c’est difficile, mais j’essaie de faire au mieux pour élever ma fille. J’espère recevoir assez d’informations de la part de ma mère pour les transmettre à ma fille. »




Karen-Ellen Utsi s’apprête à se rendre à un cours d’informatique à Guovdageaidnu (Kautokeino) dans le Nord de la Norvège. Elle est née et a grandi sur le territoire en pratiquant l’élevage de rennes. Elle a arrêté de suivre la transhumance du troupeaux de rennes dans les années 1960, alors que son mari a continué jusqu’à sa mort. « On est venu vivre plus proche de la ville à cause de l’école des enfants, sinon on serait restés là-haut dans la montagne. Je savais ce que c’était de vivre en internat et je ne voulais pas qu’ils y aillent. Ça a été l’argument premier pour avoir une maison ici. Ils auraient passé trop de temps loin de nous, pratiquement dix mois par an. Mon mari a continué les transhumances, mais moi je restais ici.» À la mort de son mari, John-Andrea Utsi, le fils de Karen, a repris la charge du troupeau.




Karen-Ellen accompagne sa fille Kari-Mákreda sur le territoire pour que celle-ci puisse effectuer ses recherches en biologie arctique sur le comportement des rennes. Kari étudie à l’université de Tromsø dans le Nord de la Norvège. Si beaucoup de jeunes gens sont fiers de poursuivre un cursus universitaire, Kari reste sur ses gardes : « Si  j’ai choisi d’étudier, c’est parce que je n’aurai peut-être pas de travail avec les rennes. Mais je ne suis pas à la recherche d’un poste important qui me bloquerait dans un bureau de neuf heures à seize heures. J’aimerais pouvoir survivre sur un modèle de vie traditionnel sans me faire noyer dans le mode de vie occidental. Je voudrais que les familles puissent encore bouger ensemble sur le territoire. Ça éloignerait la société sámi des villes et la ramènerait là où est la vraie vie est: dans la montagne. »





« Les jeunes sámi essaient d’apprendre le travail traditionnel, la langue, la façon de vivre…Pourtant ils sont obligés de mener une vie à l’occidentale, où il faut aller à l’école entre dix et vingt ans, avoir un bon salaire et tout le reste. Les jeunes sámi doivent donc aujourd’hui mener de front deux vies. Ils doivent être à la fois ce que le monde occidental attend d’eux et ce que le monde sámi leur demande.» Kari-Mákreda Utsi.




Iŋgá-Máret Gaup-Juuso effectue une licence en linguistique sámi à l’université sámi Sámi allaskuvla, à Guovdageaidnu (Kautokeino), Norvège. Après des décennies de pratiques assimilatriçes dans les institutions scolaires, le premier Conseil éducatif sámi voit le jour en 1959. Un cours préparatoire est donné afin de former des enseignants sámi. En 1974, un département sámi est ouvert à la Faculté d’enseignement d’Alta afin de pouvoir enseigner la langue et la culture sámi. Ce département est transféré à la Sámi allaskuvla, première université sámi, dès son ouverture en 1989. À la Sámi allaskuvla l’enseignement se fait strictement en langue sámi. La mère d’Iŋgá-Máret Gaup-Juuso regarde d’un bon oeil la possibilité pour les jeunes femmes sámi d’étudier : « De nos jours, l’estime de soi chez les femmes sámi est plus forte. Les professeurs d’aujourd’hui  apprennent aux enfants  à avoir une bonne estime de soi. Ils s’investissent plus facilement en politique pour défendre la culture sámi. Leur voix est plus forte, comme celle des femmes : on n’est plus aussi honteuses de notre identité sámi qu’à mon époque où on avait du mal à dire qu’on était sámi en Finlande. »




Sara-Iŋgá Utsi Bongo étudie le duodji, l’artisanat sámi, à la Sámi allaskuvla : « Je suis la seule fille de la famille à étudier l’artisanat. Quand j’ai dû faire le choix de mon orientation d’études, l’artisanat était déjà plus reconnu. Pour mes grandes soeurs c’était différent à l’époque. Mon but, c’est de gagner de l’argent et d’essayer de faire de bons produits pour montrer d’où je viens, raconter mon  histoire. Le parlement sámi ne donne pas d’argent à toutes les femmes qui pratiquent l’artisanat, mais il les soutient quand elles arrivent à un certain niveau d’investissement. J’aurais préféré faire ce travail pour répondre aux seuls besoins de ma famille, car je veux apprendre et travailler des objets traditionnels, mais il faut bien gagner de l’argent. Vendre n’est pas nouveau pour les sámi : depuis toujours, on créé des objets à vendre pour les autres, les non- sámi. »




Christine Utsi est née d’une mère sámi et d’un père suédois. Elle est artisane à Porjus, dans le nord de la Suède, et vit avec un sámi éleveur de rennes à temps partiel. « Si on parle de gènes, de sang, je peux dire que je suis à moitié sámi et à moitié suédoise. Mais si on parle de cœur, de choix de vie, alors, je peux dire que je suis sámi. Je ne revendique jamais le fait d’être suédoise, je ne porte pas la robe folklorique, je ne chante pas l’hymne national, je n’ai pas de drapeau suédois. En revanche, j’accorde plus  de valeur à ma part sámi, peut-être parce qu’elle a en partie disparu. C’est comme si la société suédoise était toujours en train de grignoter notre culture. »




Karesuando, Suède. De l’autre côté de la rivière, on rejoint la ville de Kaaresuvanto, située en Finlande.




Christine et son copain Emil Pitja se sont construit deux cabanes sur les territoires de transhumance des rennes dans le parc de Stora Sjöfallet, en Suède. Emil alterne entre son travail de charpentier et d’éleveur tandis que Christine travaille à son compte comme artisane. Ils déménagent d’un lieu à l’autre en fonction des saisons et de la transhumance des troupeaux. « Je valorise la créativité dans mon travail, et aussi la liberté d’être souple dans mon temps quotidien » m’explique Christine, « je préfère avoir moins d’ambition économique que mes voisins, et essayer de vivre en pratiquant le  duodji, l’artisanat sámi que j’aime réellement






Christine prépare le pain sami, la gáhkku, qu’elle s’apprête à cuire sur le feu dans la tente.Pour elle, hommes et femmes avaient leur place en toute équité au sein de la société sámi, mais des adaptations ont été nécessaires :  « Lorsque les hommes se sont mis à ramener de l’argent, et que les femmes n’en recevaient pas, les travaux féminins ont été dévalués. Quand on ne reconnaît plus de valeur à un travail, cela nous retire l’envie de l’accomplir. Je pense que les femmes ont eu raison de se révolter pour pouvoir travailler à l’extérieur du foyer, mais je trouve ça dommage que les savoirs féminins aient perdu toute leur valeur, alors que les travaux traditionnellement masculins sont toujours hautement valorisés. » Selon Christine, les tâches anciennement dévolues aux femmes dans la culture sámi, comme l’artisanat, l’éducation, la cuisine ou les soins de l’espace de vie, sont encore beaucoup respectées au sein de la société sámi.






Berit Sara est artisane. Elle vend des articles d’artisanat pour les touristes dans un centre commercial à Alta, une des grandes villes au Nord de la Norvège. « Avant, tout tournait autour de l’élevage, c’était un revenu familial global : l’élevage, la vente de la viande, le travail des peaux, l’artisanat, tout allait ensemble. Maintenant, les deux sphères se sont séparées : une entreprise pour la viande et une entreprise pour la vente des chaussures ou de l’artisanat. Aujourd’hui, le parlement sámi norvégien aide les artisanes à survivre et à vendre leurs objets, mais par contre les organisations d’éleveurs de rennes ne s’occupent que de la vente de la viande. Ces organisations dépendent du gouvernement : c’est un exemple de la façon dont le gouvernement oriente le monde de l’élevage de rennes. Les femmes sont considérées comme quantité négligeable. » m’explique la jeune artisane Sara-Iŋgá Utsi Bongo.




Iŋgá-Máret Gaup-Juuso se prépare à aller performer à un concert de Yoik (chant sámi), elle se vêt de la robe sámi, la gákti Je rêve de travailler dans la musique traditionnelle, mais je dois avoir un travail qui me rapporte de l’argent. Maintenant, que je suis mère, je dois être sûre de mon avenir. » La majorité des femmes d’éleveurs de rennes doivent occuper un emploi à temps plein afin de pouvoir subvenir aux besoins de la famille, car le coût de l’élevage de rennes est très élevé. Entre les dépenses de motoneiges, de quatres-roues, ou le gaz pour les cabanes sur les territoires, beaucoup d’éleveurs ne pourraient survivre sans l’argent que les femmes rapportent avec leur travail: « Les hommes et les femmes ont besoin l’un de l’autre, mais d’une façon différente d’avant. » me glisse Sara-Iŋgá Utsi Bongo.





À quelques mètres de la maison de Karen-Ellen Utsi, à Guovdageaidnu (Kautokeino), quelques rennes sont attachés à des bouleaux. Trop faibles pour suivre la transhumance du troupeau, ces rennes restent proches des habitations tout l’hiver et se font nourris par Karen-Ellen. Plus habitués à l’humain, ils seront utilisés comme rennes d’attelage pour les concours du festival de Guovdageaidnu, à Pâques. De plus en plus d’éleveurs de rennes gardent quelques rennes en enclos près des maisons pour d’autres raisons : le manque de nourriture sur les territoires de transhumance. Le réchauffement climatique influe beaucoup sur cela : les pluies de plus en plus tardives gèlent  la croûte terrestre durant l’automne, et en plein hiver, les rennes ne parviennent pas à briser la glace pour trouver le lichen qui les nourrit. De nombreux éleveurs doivent donc investir dans de la nourriture supplémentaire à distribuer aux troupeaux.






Kirsten-Ellen Gaup-Juuso a 53 ans. Elle travaille dans une garderie sámi à Hetta, au nord de la Finlande. Elle y enseigne la langue sámi aux jeunes qui ne la parlent pas chez eux. C’est une situation opposée à ce qu’elle a vécu durant son enfance : « Je n’ai pas vécu tant que ça en internat, juste quelques mois à l’automne. Mais là-bas, on parlait norvégien, on y était obligés. Il n’y avait pas encore de professeurs sámi parce qu’ils étaient peu nombreux à être instruits. Maintenant, c’est vraiment mieux pour les enfants sámi car leurs professeurs sont sámi, les livres sont en sámi et ils apprennent la langue à l’oral et à l’écrit. ».  Pour la jeune mère Ellen utsi, le défi de transmission n’est pas pour autant si évident à relever : « Dans les documents officiels, il est écrit que les enfants sámi doivent avoir accès à leur propre culture au jardin d’enfants par exemple. Mais, en réalité, il n’y a pas tant de livres écrits en sámi pour les enfants. L’apprentissage du sámi nous préoccupe, même si c’est sa langue maternelle et qu’on la parle à la maison. »






Kirsten-Ellen Gaup-Juuso prépare le festin de Pâques qui aura lieu le lendemain devant son chalet au camp de transhumance de Raittijärvi, dans le nord de la Finlande. Un pasteur et l’ensemble du village sámi seront conviés chez elle après la messe. Cuisiner pour cet évènement est pour elle une tâche importante, à laquelle elle convie ses filles. Dans la culture sámi, les femmes possèdent de nombreuses responsabilités, notamment l’éducation des enfants, mais également le rôle central de báikedoalli:  « maîtresse du lieu ».  Cela consiste entre autre à s’occuper du foyer, du départ des éleveurs, de la paperasse, des finances. Il est difficile pour les jeunes femmes d’assurer cette responsabilité : « Les femmes sámi sont très fortes, ce sont elles qui dirigent vraiment la maison, mais aujourd’hui, elles sont aussi plus stressées à cause de la vie qu’elles ont en plus à l’extérieur du foyer familial. »




Messe de Pâques à Raittijärvi, Finlande.




La famille de Kirsten-Ellen, rassemblée au camp de Raittijärvi pour la séparation des rennes La présence sur le territoire importe beaucoup à Kirsten-Ellen : « Je veux que mes enfants continuent à venir dans le territoire. On essaie d’aller dans la toundra autant que possible, tous ensemble, la famille entière ». Aujourd’hui, ce sont ses propres enfants qui l’enmènent aux camps familiaux sur les territoires de transhumance, à plusieurs heures des routes asphaltées. Ses deux garçons sont éleveurs de rennes : Kirsten-Ellen estime qu’elle a réussi son travail de transmission. Pour sa fille, Iŋgá-Máret, c’est un enjeu : « Avec ma mère, j’essaie d’apprendre tout ce que je peux dans l’artisanat, mais il y a tant de chose auxquelles il faut penser, de petites choses qu’il faut connaître. C’est très précieux. Parmi tout ce que mes ancêtres ont fait, ont su, beaucoup de choses ont disparu, mais il faut qu’on se batte pour ce qu’on sait encore.  On doit s’assurer qu’on continue à les apprendre et qu’elles ne disparaîtront pas. ».




Séparation des troupeaux de rennes au camp de Raittijärvi, Finlande.

© Annabelle Fouquet – 2024